Santé mentale au travail : deux contributions presse d’une psychologue du travail
En tant que psychologue du travail, j’ai été sollicitée récemment par deux médias aux lignes éditoriales différentes, pour partager mon expertise sur des sujets essentiels : : la reconversion, et la souffrance psychique au travail. Deux thématiques au cœur des enjeux de santé mentale au travail.
Dans le magazine Maxi,
j’ai été invitée à réagir au témoignage d’une femme qui, à un moment charnière de sa vie, a décidé de changer de cap pour suivre une passion ancienne. Ce choix, je le vois résonner chaque semaine dans les récits que j’entends en consultation.
Non, ce n’est pas un caprice. Encore moins une fuite. C’est souvent un besoin vital de cohérence intérieure. Quand ce que l’on fait chaque jour n’a plus de lien avec ce que l’on est, alors quelque chose se fissure.
Parler de reconversion, c’est parler de quête de sens. Et cela n’arrive pas « par hasard ». Cela surgit souvent à un moment où l’on ne peut plus faire semblant. Après un burn-out, une rupture, une crise de milieu de vie. Ou parfois, simplement, parce que l’on sent que le fil s’est trop tendu.
Dans ces moments-là, le bilan de compétences peut devenir un véritable outil de ré-ancrage. Pas une solution miracle, mais un espace pour faire le point : ce qui fatigue, ce qui ressource, ce qu’on veut vraiment recontacter. J’ai voulu montrer dans cette interview que la reconversion ne relève pas d’un luxe, mais d’un besoin de réajustement profond. Une nécessité vitale de retrouver du sens tant dans sa vie personnelle que professionnelle.
Dans Charlie Hebdo (article disponible en entier pour les abonnés),
j’ai pris la parole sur un sujet plus sombre, mais tout aussi crucial : la détresse psychique des soignants. Cette souffrance, je la vois aussi, trop souvent. Des professionnel·les investis, passionnés, mais usés. Non pas seulement par la charge, mais par l’impossibilité de travailler en accord avec leurs valeurs.
Ce n’est pas qu’une question de moyens. C’est une question de sens. Quand prendre soin devient un combat permanent contre des contraintes absurdes, on finit par s’effondrer. Et ce silence autour de la santé mentale au travail ne fait qu’aggraver la solitude de celles et ceux qui tombent.
Ces prises de parole sont aussi l’occasion de faire exister un regard clinique sur le travail. Pas « clinique » au sens médical, mais au sens de la clinique du travail : une approche qui s’attache à comprendre, dans le détail et la singularité, ce que le travail fait aux subjectivités, aux corps, aux parcours.
Une clinique qui écoute sans réduire, qui relie les vécus individuels aux réalités organisationnelles, et qui cherche à redonner de l’espace psychique et du pouvoir d’agir là où il n’y a souvent plus que de la culpabilité ou du silence.
Alors pourquoi est-ce si important de parler de santé mentale au travail ? Parce que ce qui n’est pas nommé ne peut pas être transformé. Tant que l’on tait ce que le travail fait aux corps, aux esprits, aux identités, on entretient une forme de violence et un grand déni collectif.
Et ce silence isole. Il rend honteux. Il pousse à penser que « le problème vient de soi », au lieu de regarder les systèmes qui broient.
Il est urgent de sortir de cette logique. Parler de santé mentale au travail , ce n’est pas faire preuve de faiblesse. C’est reconnaître que nous sommes humains, sensibles, traversés par des doutes, des fragilités… et que cela n’empêche en rien la compétence ou l’engagement.
De l’autre côté du spectre, un travail qui a du sens agit comme un pilier de santé psychique. Il peut nourrir, structurer, donner une direction. Quand on se sent utile, reconnu, en accord avec ce que l’on fait, cela donne une stabilité intérieure précieuse.
Mais cela suppose des conditions. Il ne suffit pas d’avoir une « mission » ou des « valeurs affichées ». Il faut pouvoir les vivre concrètement, dans le quotidien professionnel. Sinon, la dissonance devient un terrain de souffrance.
Ces deux articles, bien que très différents, portent donc une même idée : l’impact du travail sur la santé mentale ainsi que le corps et le sens qu’il importe de lui donner pour qu’il soit source de santé. Mais aussi qu’il est temps d’aborder ces sujets non plus comme des affaires individuelles, mais comme des enjeux collectifs, systémiques, humains.
Mon engagement, à travers ces prises de parole, est d’ouvrir des espaces de compréhension.
Pas pour donner des leçons. Mais pour mettre des mots sur des vécus que trop de personnes traversent en silence.
Parce qu’il n’y a rien de plus réparateur que de se sentir compris. Et rien de plus nécessaire, aujourd’hui, que de remettre l’humain au cœur du travail.